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Quelle école choisir ? Pour quel parcours ?

Marine de Labriolle

Nouveau départ, nouvelles décisions...
Les questions fusent sur tous les aspects de la nouvelle vie en poste et bien sûr le sujet de la scolarité des enfants s’impose comme primordial. Nombre de fois ai-je eu des dialogues avec des parents déroutés, indécis et/ ou enthousiastes. « Comment conserver une continuité dans notre vie de nomade ? Comment encourager une ouverture sur un autre monde culturel ? Pouvons-nous offrir à nos enfants l’opportunité de devenir bilingues ? ». Il n’y a pas de bonne réponse. Il n’y a que des bonnes questions et des choix différents à poser pour chaque enfant. Chaque choix étant un pari.

Un système scolaire est une institution qui a pour but premier la perpétuation de la culture dont elle est issue. Après trois ans d’école publique américaine, notre fille était devenue anglophone, mais d’abord et avant tout américaine. Elle en avait adopté les valeurs, les archétypes, le mode de communication, le mode de relation à l’adulte et à la hiérarchie. Il nous a fallu suivre, puisque nous avions fait le choix ! Nous sommes devenus, de fait, une famille biculturelle.

Choisir de mettre un enfant dans une école étrangère (à notre culture) nécessite une maîtrise minimale de la langue, ainsi que la connaissance et l’adhésion aux valeurs culturelles. Je me souviens d’un enfant qui après deux ans d’école américaine, ne parlait toujours pas anglais ! Après un très court échange, la mère me confia qu’elle ne se plaisait pas dans ce pays et n’aimait pas les Américains. En fait, le fils avait intégré les griefs de sa mère, et faisait en sorte de surtout ne pas devenir comme les autres ! Pour se construire, nos enfants ont besoin de cohérence.

Après un passage en France, où nos enfants sont enfin devenus français, nous sommes repartis vers un pays anglophone où une école internationale a pu accueillir nos enfants. Quelle joie pour eux de pouvoir enfin reparler anglais ; «  J’ai l’impression de redevenir moi-même ! » nous a confié notre fille dès les premiers jours. En France nous avions fait le choix de l’immersion scolaire française puisque nous savions qu’il y aurait un retour en milieu anglophone. Apprendre une langue par immersion n’est pas une expérience passagère. Une langue est une part constitutive de l’identité d’un enfant et son apprentissage doit s’intégrer dans un projet éducatif au long terme.

Choix d’une éducation et personnalité de l’enfant
Le choix d’une éducation répond à de multiples critères, la personnalité de l’enfant n’étant pas le moindre. Un enfant extraverti et communicatif peut vivre les débuts de l’immersion dans une langue inconnue comme un enfermement. Il devra alors être accompagné avec soin par les parents et par l’équipe enseignante. Par contre, un enfant introverti s’accommodera facilement de rester silencieux plusieurs semaines, avant de pouvoir commencer à communiquer verbalement. De même, la langue de l’apprentissage de la lecture peut avoir une valeur symbolique différente selon les membres d’une même fratrie.

Je me souviens de ces parents qui avaient courageusement donné ce choix à leurs jeunes enfants. Le plus jeune choisit d’apprendre à lire en français, l’autre en anglais. Ces choix se comprenaient au regard de l’itinéraire de chacun ; l’un avait besoin de construire son identité de français, alors que pour l’autre, cette identité était déjà bien ancrée. D’autre part, lorsqu’un enfant présente des difficultés d’apprentissage comme la dyslexie, la continuité dans le parcours scolaire est à privilégier, dans la mesure du possible.

Des enfants, pas des laboratoires
Nos enfants ne sont pas des laboratoires. J’ai connu des parents qui avaient organisé pour leur fils de 4 ans un environnement avec 5 langues. «  Vous comprenez, les enfants sont des éponges !...  ». Une rencontre avec ces parents a suffi pour déplacer leur peur de ne pas être de « bons parents » vers leur désir d’aider leur enfant à construire son identité.
Pendant deux ans, j’ai eu la chance de m’initier à une nouvelle approche pédagogique grâce à mon travail de « schoolcounselor » (coach scolaire) à l’école internationale de Dar es Salaam en Tanzanie.

Alors que le système scolaire français met au centre de l’enseignement le curriculum et propose d’amener l’enfant à développer une réflexion basée sur la connaissance, l’IB développe les capacités de l’élève à interroger la réalité, à la comprendre et à se poser comme acteur responsable dans cette réalité. L’enfant est constamment renvoyé à lui-même et doit devenir un bon « apprenant ». Tout au long de sa scolarité, les adultes le stimulent pour qu’il intègre le « profil de l’apprenant » : « investigateur, penseur, communicateur, intègre, ouvert d’esprit, altruiste, informé et instruit, audacieux et preneur de risque, équilibré et réfléchi ».

Le programme de l’école primaire est centré sur le développement de l’esprit de curiosité et des capacités de recherche et de découverte. Face à une situation, un problème ou un sujet d’étude les éducateurs stimulent l’enfant pour qu’il pose un maximum de questions, qu’il les classe par priorité, qu’il cherche des sources d’information variées, trouve des réponses, les analyse, les communique et enfin évalue son travail.
Cette approche valorise beaucoup la notion de processus et la communication. Il y a peu de cours magistraux tels que nous les connaissons en France. La connaissance s’acquiert différemment et une place importante est faite à l’expérimentation ; l’enfant est actif, jamais passif, toujours participant. L’enfant s’approprie l’acquisition des connaissances ; il en comprend les tenants et les aboutissants et mémorise efficacement processus et connaissances.

Une bonne estime de soi
« Le Programme de premier cycle secondaire du Baccalauréat International (IB) (équivalent collège) est conçu pour aider les élèves à développer un sentiment d’appartenance au monde qui les entoure – un monde en constante évolution et de plus en plus interdépendant – et pour les encourager à adopter une attitude positive à l’égard de l’apprentissage » (www.ibo.org). L’élève développe sa capacité à faire des connexions entre tous les éléments de connaissance qui sont à sa disposition. Il est encouragé dans ses démarches d’investigation ; il apprend à apprendre de ses erreurs et est soutenu personnellement dans ses difficultés. Chaque matière est évaluée sur deux notes : l’effort fourni et les résultats obtenus. Une place importante est donnée à l’argumentation : rien ne sert de savoir si on ne sait pas communiquer, se positionner et défendre ses opinions.

Les deux dernières années de scolarité préparent au Diplôme du Baccalauréat IB et à l’entrée dans la vie universitaire. L’élève choisit ses cours à l’intérieur d’un cadre et oriente son diplôme vers les langues et la littérature, les sciences humaines, les sciences expérimentales, les mathématiques ou l’art. A 18 ans, un bon élève IB aura des connaissances solides, une bonne estime de lui-même, une capacité à travailler en groupe et à gérer ses relations et surtout une immense curiosité.

Son diplôme IB en poche, un jeune français va connaître une difficulté : son diplôme n’est pas reconnu par les universités publiques françaises. Le « Bureau des correspondances » n’en a jamais entendu parler ! Faire ses études en France n’est pas impossible ; il faut faire une demande d’équivalence au « Bureau des équivalences » et envoyer une demande à l’université choisie — demande qui, m’a-t-on assuré, peut aboutir positivement, dans certains cas.* Le baccalauréat IB est très apprécié dans les universités nord américaines, britanniques, irlandaises, australiennes et hollandaises. Il est accepté en Suisse sous certaines conditions de matières étudiées et de notes obtenues. En Belgique, il est facile d’entrer à l’université avec un IB mais l’adaptation académique est difficile et demande une solide personnalité. En Allemagne, il n’est pas reconnu. Le diplôme IB commence à se faire connaître en Europe ; les premières promotions sont sorties dans les années 70. Le temps en matière d’éducation a son rythme propre et il ne faut pas désespérer de voir un jour l’instauration d’un système d’équivalence.

Nos deux enfants ont eu la chance de connaître les deux systèmes scolaires français et international et nous espérons qu’ils sauront y prendre le meilleur. En 5 ans en France, ils ont appris la structure, la rigueur de la méthodologie et la profondeur du raisonnement et ont, sur un plan humain, appris à se défendre dans des rapports directs et parfois agressifs. En 4 ans d’école internationale, ils ont appris à prendre du recul, à se poser comme responsables de leur apprentissage et de leurs actes et à communiquer au-delà des désaccords.

Système français et système international
Dans nos vies de nomadisme international se pose la question de la transition entre les systèmes scolaires. Au-delà des questions de langue, un enfant aura peu de difficulté à passer de l’école française au système IB. A l’âge primaire il aura le sentiment d’apprendre en s’amusant. Au collège, il devra pour bien s’intégrer apprendre la méthodologie de recherche (intégrée dans les classes primaires IB). Dans les grandes classes il pourra être dérouté par les initiatives qu’on lui demandera de prendre. Par exemple, souvent les enseignants ne donnent pas de sujet pour les dissertations mais demandent à chacun de trouver le sujet qu’il veut développer. Cette approche sous-entend la maîtrise du sujet abordé ou du livre étudié, puis la capacité à élaborer seul une idée de synthèse et enfin à prendre une position personnelle, à l’exposer et à la défendre.

En revanche, le passage du système IB à l’école française pose des problèmes auxquels il est important de penser avant de poser ce choix éducatif pour son enfant. Il faut tout d’abord veiller à maintenir et développer un bon niveau de français. Suivre les cours du CNED en français me semble indispensable. Il n’est pas question de faire faire une double scolarité à un enfant ; en effet, il ne faut pas oublier que l’apprentissage de la vie ne passe pas uniquement par l’acquisition des connaissances mais par la maîtrise de son corps et l’équilibre des relations avec ses pairs. Le passage ou le retour à l’école française pendant les années primaires ou en début de collège est envisageable sans trop de difficulté, en tenant compte toutefois d’un temps d’adaptation propre à chaque enfant.

Offrir du temps au temps
Les difficultés se corsent pour les élèves en fin de collège et au lycée. Les écoles françaises ne reconnaissent pas les avis de passage IB et il sera demandé à l’enfant de passer un examen. Je connais des enfants qui ont fait le CNED sur 3 matières et ont pu intégrer le lycée (tous les enfants ne peuvent pas le faire). Le retour est à négocier avec chaque école – les écoles publiques ont des procédures standard, les écoles privées ont une marge de manœuvre. Il est parfois possible de réintégrer dans une classe équivalente, mais les témoignages convergent sur la grande difficulté de la première année. Notre fils a fait ses 4 années de collège dans une école internationale et a fait sa 3ème à Paris. Il a compris l’enjeu de ce retour et a accepté d’être avec des élèves plus jeunes que lui. Ce n’est pas un redoublement ; nous lui donnons le temps de se réadapter au programme français et à ses exigences particulières. Il est heureux d’avoir pu prendre cette décision. Parfois, à ne pas vouloir « faire perdre une année » à un enfant, on rajoute une attente et un stress inutiles. Construire son identité, étoffer ses connaissances et développer un esprit critique et son assurance se font beaucoup plus efficacement dans une atmosphère équilibrée. Rien ne sert de pousser, il faut offrir du temps au temps pour finalement en gagner.

Les difficultés pour passer d’un système scolaire à l’autre ne sont pas seulement académiques. Dans les écoles internationales IB, l’élève fait preuve d’une attention toute particulière et d’une certaine manière sa place lui est offerte. Il peut construire son identité et se consolider à son rythme propre. L’outil de base du pédagogue est l’encouragement. Le respect et l’empathie sont des valeurs essentielles enseignées au même titre que les mathématiques et l’histoire. En revanche, en France, l’élève est d’avantage seul face à ses difficultés ; il doit trouver et défendre sa place et se forger un caractère et une personnalité solides pour faire face.

Enfin, un retour à l’école et à l’université en France, quelle que soit l’expérience scolaire à l’étranger, est déroutant. Les enfants apprennent vite à ne pas parler de leur vie à l’étranger ; ils n’intéressent pas beaucoup de monde et sont souvent perçus comme méprisants lorsqu’ils font le récit de leurs voyages. Avoir vu le monde leur a donné des valeurs différentes, difficiles à communiquer et rarement partagées par des personnes sédentaires. Je me demande si leur vie ne serait pas plus simple si leur peau était verte ; on n’attendrait pas d’eux alors de penser et d’agir comme des français !

Marine de Labriolle
Praticienne en psychosynthèse, coach parentale, conseillère en expatriation famille.
Adhérente de l’AFCA

mercredi 7 avril 2021

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