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Visite de plantations de thé
Corinne Mbebi-Liégeois
J’aimerais partager avec vous une expérience culturelle exceptionnelle, à laquelle j’ai eu la chance de participer : la cueillette du thé dans les montagnes du Sichuan. C’est ma professeure de chinois qui m’a permis de me joindre à un groupe multinational de douze personnes, organisé par deux de ses collègues.
Nous nous sommes retrouvés de bon matin à la station de métro Nijiaqiao de Chengdu. De là, il nous a fallu deux heures de route en minibus pour atteindre le berceau de la culture du thé : le mont Mengding à Ya’an. Le trajet s’est avéré plus long que prévu car nous étions le 4 avril, jour de la fête de Qingming, où les Chinois se rendent en nombre sur les tombes familiales pour les nettoyer.
Le mont Mengding se situe dans la province du Sichuan, où on cultive le thé depuis plus de 3 000 ans grâce à des conditions climatiques et géographiques propices. C’est une montagne qui culmine vers 1 200 mètres. La réputation de ses thés a commencé à s’étendre à l’époque de la dynastie Tang (618-907). Les poètes et érudits de cette époque en ont célébré les qualités. Les moines bouddhistes des environs ont également joué un rôle clé dans le développement de la culture du thé, en lui conférant sa dimension médicinale et spirituelle.
Dès le premier coup d’œil, la région du mont Mending révèle ses collines verdoyantes, ses denses forêts et ses rivières sinueuses. Pour ceux qui souhaitent pénétrer le massif, des sentiers de randonnée permettent de découvrir des panoramas somptueux et des monuments historiques, tels que le temple de la déesse du thé. La biodiversité est remarquable. Il n’est pas étonnant que le mont Mending attire les amoureux de photographie.
Dès notre arrivée sur place, nous nous sommes rendus chez le planteur qui nous attendait. Sa femme et lui nous ont réservé un accueil chaleureux. Ils nous ont outillés pour la cueillette et nous avons pris la direction de leur plantation de thé.
Le planteur nous a présenté les techniques traditionnelles qui se transmettent de génération en génération. Il a souligné que la culture du thé en terrasse, caractéristique emblématique du paysage local, illustrait l’harmonie entre l’action de l’homme et celle de la nature.
Nous nous sommes rapidement mis aux travaux pratiques. Après notre cueillette, nous avons déjeuné chez l’habitant. On nous a servi des plats typiques de la cuisine sichuanaise : poulet Kung Pao, mapo tofu puisamment épicé, assortiment de légumes, poisson aux herbes. Ces mets étaient accompagnés d’un thé vert, le Mengding Ganlu réputé pour sa saveur douce et délicate.
Aspects techniques
Sur le mont Mending, on cultive le thé selon des pratiques traditionnelles adaptées aux conditions locales et donc durables. En voici quelques exemples cités par notre planteur :
• L’aménagement en terrasses des pentes abruptes permet de maximiser l’espace cultivable. En outre, il retient l’humidité et favorise ainsi la croissance des plants de thé.
• Les variétés de thé sélectionnées par les cultivateurs sont adaptées au climat et aux sols de la région. Ainsi pour le thé vert Mengding Ganlu, unique par sa saveur, son arôme et sa qualité.
• Les sols sont très souvent fertilisés par des méthodes naturelles, ce qui permet une production bio. Ils sont irrigués par des systèmes innovants qui assurent un approvisionnement en eau suffisant pendant les périodes sèches.
• La récolte, étape clé de la production, se fait à la main. Cela permet de sélectionner les jeunes feuilles et les bourgeons. Il s’agit d’un travail grand consommateur de main-d’œuvre mais gage de qualité.
• Après la récolte, les feuilles subissent un ensemble d’opérations réalisées de façon traditionnelle : flétrissage, chauffage, roulage et séchage.
Ces opérations de transformation des feuilles après récolte sont déterminantes pour le type de thé obtenu, la préservation de ses arômes et ses caractéristiques gustatives. Prenons-les successivement :
• Le flétrissage consiste à étaler les feuilles fraîchement cueillies sur des plateaux. Ce processus assouplit les feuilles et initie des réactions enzymatiques dont dépend le goût du thé.
• Pendant le chauffage, les feuilles sont grillées à 300°C dans des vases chauffants.
• Le roulage : les feuilles grillées et flétries sont roulées, souvent à la main, pour bien libérer les enzymes et les composants aromatiques.
• La fermentation ou oxydation : à ce stade, les feuilles roulées sont laissées à l’air libre pour s’oxyder. Le degré d’oxydation détermine le type de thé produit. Par exemple les thés verts ne sont pas oxydés, alors que les thés noirs le sont de façon complète. L’oxydation des feuilles développe la saveur du thé.
• La fixation est un second chauffage des thés verts. En général, il s’opère à la vapeur, mais notre planteur préfère une torréfaction dans des sortes de woks. Ce processus interrompt l’oxydation, préservant ainsi la couleur et les éléments nutritionnels du thé. Il contribue aussi à éliminer l’humidité excédentaire pour assurer une bonne conservation.
Chez notre planteur, le séchage se fait naturellement, au soleil, contrairement aux productions industrielles qui passent dans des souffleries mécaniques. Cette opération finale réduit encore le taux d’humidité pour l’amener à des valeurs permettant la mise sous emballage commercial.
J’ai beaucoup apprécié cette visite instructive dans un site splendide. Cette journée au mont Mending nous a plongés au cœur des traditions millénaires du Sichuan. Une telle expérience ne se vit pas sans émotion.
Corinne Mbebi-Liégeois
Portfolio
samedi 13 décembre 2025






