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La scolarité à l’étranger

Marine de Labriolle

Le parcours scolaire de nos enfants est à l’image de nos vies internationales. Il est fait de ruptures, d’adaptations et d’apprentissages multiples et « hors programme ».

Le parcours scolaire de nos enfants est à l’image de nos vies internationales. Il est fait de ruptures, d’adaptations et d’apprentissages multiples et « hors programme ».

Notre rôle de parent est de donner à ce parcours une cohérence dans l’histoire de chacun de nos enfants et dans le projet global de la transmission de nos valeurs. La sagesse est de garder en tête une perspective à long terme : de quoi notre enfant a-t-il besoin aujourd’hui pour l’aider à devenir demain un adulte épanoui et intégré ? Les choix sont néanmoins souvent faits dans l’urgence d’un déménagement et dans la contrainte du contexte de la réalité scolaire locale.

Les parents connaissent bien les difficultés liées à la mobilité ; ils déploient énergie et créativité pour maintenir une référence française. Le réseau des écoles françaises établit une continuité précieuse. Le CNED permet de garder une attache avec la France quand les enfants sont scolarisés dans un système étranger. Les réseaux expatriés avec les activités sportives et sociales permettent aussi de maintenir un lien avec la culture d’origine. La vie scolaire et sociale de l’enfant poursuit un double but : grandir dans un pays et revenir en France. L’enfant doit pouvoir s’investir totalement dans le présent et inscrire ce présent dans une continuité cohérente.

L’expatriation complique les problèmes inhérents à la scolarité mais, la plupart du temps, elle n’est pas « la » seule cause de difficultés ou d’échecs scolaires – il y a bien des difficultés que les enfants auraient traversées de toute façon en étant sédentaires. En France, de nombreux enfants reçoivent des soutiens ponctuels lors de leur scolarité ; mais à l’étranger, professeurs spécialisés, orthophonistes ou psychologues francophones sont rares. Les parents se transforment alors en enseignants, et les vacances deviennent un marathon entre bilans, consultations ou séances pour comprendre les problèmes et pour apprendre à y répondre. Le choix des postes, voire celui du départ, peut être parfois conditionné par des difficultés scolaires importantes.

L’école : instruction et centre de vie
L’école à l’étranger a une double vocation d’instruire et d’être un centre de la vie de la communauté expatriée. Pour les nouveaux arrivants, elle est un moyen de se connecter avec du familier et de développer un sentiment de sécurité dans un monde étranger. Une école accueillante aide à « poser ses bagages », à trouver une place et à commencer à s’investir dans le processus d’adaptation.
Dans les carnets n°76 de décembre 2011, j’ai plus spécifiquement développé les questions posées par le choix du système scolaire à l’étranger, français, local ou international. Il n’y a pas de bonne réponse. Il n’y a que des bonnes questions, et des choix différents à poser pour chaque enfant. Les déménagements marquent les enfants inégalement selon leur âge ; partir à 2, 6 ou 15 ans n’a pas les mêmes conséquences. Chacun de nos enfants a son histoire propre ; les choix de son parcours scolaire seront à faire avec lui. Il ne s’agit pas de demander à un enfant de sept ans de prendre les décisions, mais de l’écouter et de tenir compte de ce qui est important pour lui. Les parents qui ont eux-mêmes eu une enfance internationale ont l’avantage de pouvoir comprendre de l’intérieur ce que leurs enfants vivent.

La vie de l’enfant ‘’nomade’’ est ponctuée d’adaptations et de séparations. Dans les écoles internationales, où un quart des élèves partent chaque année, les enseignants connaissent le grand effort d’adaptation que doivent faire les nouveaux arrivants, comme ils connaissent aussi l’agitation inquiète et triste des partants. Ils savent qu’en début et en fin d’année ils doivent réduire leurs exigences scolaires pour ces élèves qui s’investissent dans leur transition. Dans ces moments de transition, les enfants développent leurs qualités humaines : comprendre le nouvel environnement et y trouver sa place, savoir dire au revoir et construire des relations à long terme. Parfois, et pour un temps, les notes baissent au moment d’un déménagement ; l’enfant met son énergie là où il en a besoin : connaitre les nouveaux codes sociaux, se refaire un réseau d’amis et se reconnaître lui-même dans un nouvel environnement. Il faut six mois à un an à un adulte pour y parvenir. Combien de temps donnons-nous à nos enfants ?
Pas de « Dépêche-toi ! »

« Je voudrais mettre mon enfant dans une école anglophone mais je ne veux pas qu’il perde de temps. Il ne doit pas perdre son année d’avance quand il reviendra à l’école française !  ».
Que reste-t-il d’une année d’avance quand on a 40 ans ? Que reste-t-il d’une scolarité où notre rythme a été reconnu et respecté, où nous avons eu le droit à un temps supplémentaire pour comprendre une question difficile ou approfondir un point qui nous intéressait personnellement ? Où sont les priorités ? Nous vivons dans une société qui valorise la vitesse, la réactivité, le contentement quasi immédiat. Combien de fois avons-nous prononcé la phrase « Dépêche-toi ! » ?

Donner du temps à un enfant pour qu’il s’adapte à un nouveau système scolaire, cela l’aide à intégrer tous les contenus linguistiques comme culturels. Nous n’apprenons pas tous de la même manière ; un introverti observe, apprend en silence puis, un jour, commence à parler. Un extraverti se lance tous azimuts dans la communication, et apprend, au fil des jours, de ses expériences et de ses erreurs. L’avantage de devenir bilingue et biculturel ne doit pas se dissoudre dans la peur de décevoir ses parents. Un enfant dont le rythme d’apprentissage est respecté apprend mieux et intègre mieux.

Très jeunes, les enfants comprennent que l’école et les bons résultats sont une source d’intérêt très particulier pour leurs parents. Certains enfants dosent plus ou moins leur investissement scolaire, soit pour faire plaisir à leurs parents (et croient recevoir plus d’amour), soit pour créer de l’attention (une attention, même négative est toujours bonne à prendre) ou encore, pour instaurer un rapport de force. Comment aborder la question scolaire de manière apaisée ? La scolarité concerne d’abord l’enfant et son avenir. Il est clair qu’à huit ans, on n’est pas encore motivé par des bonnes études ou un bon métier ; par contre le plaisir du travail bien fait, la satisfaction de la difficulté surmontée et le goût d’apprendre et de découvrir sont des motivations internes qui remettent l’enfant au cœur de son propre apprentissage. En valorisant le travail et le processus d’apprentissage plutôt que les notes, nous changeons de perspective et passons du « Je suis fier de toi  » à « Tu dois être fier d’y être arrivé !  ».

Ecoute et dialogue
La scolarité discontinue d’un enfant expatrié est riche et atypique : riche de rencontres et d’expériences à l’étranger, mais atypique au regard de la mère patrie. Le malaise que nous ressentons dans notre propre pays est souvent un sentiment diffus sur lequel il est difficile de mettre des mots. Les enfants, en bons observateurs, perçoivent tout décalage, mais l’interprètent parfois de manière erronée. Ils incriminent leurs qualités personnelles et leur identité, là où l’origine du problème est un mode de vie différent. Ils ont besoin d’une écoute et d’un dialogue simple et clair pour les aider à ne pas intérioriser leur décalage. La question n’est pas de savoir quel est le « bon » comportement, mais d’apprendre à vivre dans la différence. Nous, parents, avons fait le choix de cette vie ; c’est notre responsabilité d’aider nos enfants à la vivre. Un adolescent rentré en France depuis peu m’a dit : « J’observe l’Homo Francus ! ». Une explication succincte avec les enseignants permettra le plus souvent d’éviter que son silence et son regard inquisiteur soient confondus avec de l’arrogance.

Le calendrier des départs pousse parfois à proposer à un adolescent de finir sa scolarité en France, en internat. Laisser un jeune qui aurait encore besoin du cadre et du soutien familial, est un choix souvent difficile et parfois douloureux, surtout lorsque les parents ne l’ont pas vécu. Avant le départ, l’expérience montre qu’il est primordial de mettre en place une organisation avec un adulte de référence qui cadre (travail, notes, sorties) et un autre adulte qui a la confiance du jeune et qui à travers les rencontres et dialogues réguliers sera à même d’identifier un problème, une baisse de moral, un trouble alimentaire ou une addiction. En effet, un adolescent seul peut avoir tendance à s’isoler et à protéger ses parents en ne les informant que partiellement sur ses états d’âme.

Les parents sont formidables. Ils ont été ma plus belle source d’émotion pendant les années où j’ai travaillé dans une école. Dans leurs regards, derrière leurs inquiétudes, leurs culpabilités et leurs espoirs se lit toujours l’inconditionnalité de leur amour. Les enseignants sont formidables ; ils ont foi dans les enfants qui leur sont confiés. L’éducation est une rencontre entre des êtres qui ont une expérience et des connaissances, et des êtres tout en potentialité et en ouverture. L’enfant a besoin d’un cadre structurant et sécurisant et d’une écoute bienveillante et encourageante. Parents et enseignants se complètent. Les enfants sauront prendre le meilleur de nous tous, car c’est aussi dans l’imperfection de notre éducation et de l’instruction scolaire qu’ils vont apprendre à devenir adultes, à accepter le monde et à s’accepter eux-mêmes tels qu’ils sont.

Marine de Labriolle
Psychopraticienne certifiée en Psychosynthèse,
Coach parentale

lundi 17 février 2020

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