Christophe Bouchard, directeur de la DFAE

Sécurité et modernisation
La DFAE pilote un vaste réseau de plus de 220 services consulaires qui permet à 2,5 millions de Français résidant à l’étranger et à plus de 13 millions de touristes français de bénéficier d’un service public français dans 161 pays.

« Notre préoccupation principale sur le terrain est la sécurité des Français au jour le jour, nous dit M. Bouchard. La première chose que nous leur conseillons est de s’inscrire au Consulat. D’ailleurs, nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à le comprendre. En Europe et en Amérique du Nord, ils se manifestent encore trop peu. Notre rôle est préventif, connaître les gens, leur donner des conseils sur leurs déplacements ou les comportements à tenir. Ainsi, au Burkina-Faso, les zones dites « rouges » sont-elles formellement déconseillées. On ne peut rien interdire, notre seule arme est la pression amicale. En République centrafricaine, lors des dernières manifestations, il a été conseillé de rester chez soi lors de manifestations politiques. Dans ces pays à risque, les postes mettent en place des plans de sécurité en liaison avec les autorités locales, les hôpitaux.
En cas d’évacuation, nous nous appuyons sur les chefs d’îlots qui connaissent leurs voisins pour les regroupements. Dans les cas de crise, la responsabilité revient au Centre de crise du Quai d’Orsay, rattaché directement au Ministre et au Secrétaire général ».

Vive le numérique
A l’heure d’Internet, le réseau consulaire se modernise dans le cadre du projet MAEDI 21.
« Simplification, dématérialisation et communication sont les trois axes retenus pour réformer l’administration consulaire et sa relation avec les usagers. Nous sommes un des rares pays à offrir les mêmes facilités de scrutin qu’en France. Les inscrits peuvent voter pour les législatives et l’élection des conseillers consulaires, soit à l’urne dans les Consulats soit par internet. Pour l’élection présidentielle de 2017, ils pourront voter en personne au Consulat ou par procuration ».

Dans le même esprit, la Maison des Français à l’étranger a été remplacée par un service d’information sur l’expatriation plus présent sur internet et les réseaux sociaux. 13.500 abonnés à la page Facebook, Pégase, sont inscrits. « Nous touchons beaucoup plus de monde », se félicite M. Bouchard.

« Nous participons aussi à des salons qui nous permettent de garder le contact avec le public. »
La modernisation de l’action consulaire tourne autour du numérique. « On pourra à partir de mars prochain accéder à son dossier et le modifier, l’actualiser ou se radier. Il sera aussi possible de faire une pré-demande de passeport et de payer les droits de chancellerie par internet et, à la mi-2016, de recevoir, dans certains pays, son passeport par La Poste. La délivrance des visas sera aussi facilitée avec les visas en ligne. Cette politique est voulue, afin d’attirer les touristes, les étudiants et les hommes d’affaires. Mais la venue au Consulat restera obligatoire pour la prise d’empreintes ».

3.200.000 visas ont été délivrés en 2015 contre 2.200.000 en 2012, soit un million de plus en 3 ans. La Chine compte pour beaucoup. Un petit nombre de visas est accordé dans le cadre du droit d’asile, ainsi que quelques milliers aux membres des minorités religieuses en Irak.

Sujets en débat
Parmi les nombreuses tâches de protection sociale dévolues aux Consulats figure l’aide aux familles en difficulté. Deux sujets ont récemment retenu l’attention de la presse : l’adoption et la GPA (gestation pour autrui) : « Il y a de moins en moins d’adoptions internationales dans le monde. Ce qui peut être considéré comme positif par certains et négatif par d’autres. Nous avons eu, en 2015, 800 adoptions contre 3400 par an, il y quelques années. Haïti, la Côte d’Ivoire, le Vietnam et la Colombie sont encore ouverts aux couples demandeurs. La Russie et les ex-pays de l‘Est, beaucoup moins. La Mission de l’adoption internationale, qui relève de la DFAE, informe et accompagne les familles françaises. Elle favorise le passage par une organisation agréée plutôt que des démarches individuelles. Ses pages internet sont très consultées. Le Consulat intervient au moment de la demande de visa pour l’enfant et transmet le dossier à la Mission pour vérification de la légalité de la procédure suivie »

Flou juridique
Les problèmes soulevés par la GPA sont innombrables et non encore résolus : « On ne pourra pas rester dans le flou juridique qui prévaut actuellement, bien que ceci ne concerne que quelques cas par an. »
La GPA reste interdite par la loi française. Mais la situation évolue. Plusieurs pays l’autorisent comme les USA, l’Ukraine, l’Inde. Les Consulats sont confrontés à des cas déchirants. Ainsi ce père qui menaçait d’abandonner dans la rue son enfant né de mère indienne, si on ne lui délivrait pas de laisser passer. La Cour de cassation a validé en juillet dernier l’inscription à l’état civil d’enfants nés à l’étranger par GPA. Cette décision a été prise un an après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas transcrit des enfants nés légalement à l’étranger de mères porteuses, c’est-à-dire avec des actes de naissance mentionnant comme père celui qui a effectué une reconnaissance de paternité et comme mère, celle qui a accouché.

A ceux qui s’inquiètent de la fermeture de consulats, Monsieur Bouchard fait remarquer que leur nombre est resté stable depuis cinq ans. « Beaucoup n’étaient plus utiles en Europe, les Français y restent très bien protégés. En revanche, nous augmentons le nombre de nos représentations en Chine, en Inde, au Brésil, par exemple. Les distances y sont toujours importantes, même au XXIesiècle. »

Propos recueillis par Francine Boidevaix
Mars 2016