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La médiation au MEAE
Entretien avec Eric Berti
Après avoir accédé au troisième étage du site Convention, je trouve, dans un bureau ensoleillé, le médiateur interne du Département. Eric Berti est accompagné de Geneviève Van Rossum son adjointe et future médiatrice à partir de juillet 2024. Il est le troisième médiateur du Quai d’Orsay, précédé par Pierre Vimont ambassadeur de France à la retraite (2015) et de Caroline Dumas, médiatrice entre 2019 et 2021.
On ne s’improvise pas médiateur. La fonction demande du doigté et de la persévérance. Il faut reprendre des études même si, comme tout diplomate chevronné, on pratique l’art de la négociation. Éric Berti et sa consœur ont suivi une formation d’un an au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) en parallèle à l’exercice de leurs fonctions.
Eric Berti et Geneviève Van Rossum
@ olivier Bolvin, MAEA
« Tout agent du MAEE peut recourir à la médiation, précise Eric Berti. On doit savoir que nous respectons une Charte très exigeante : neutralité, confidentialité, impartialité, et très important, indépendance vis-à-vis de l’administration. Nous ne sommes pas rattachés à la DRH qui est notre interlocuteur naturel, mais directement au Secrétaire Général. J’ajoute, dit-il avec un sourire, que je suis un futur retraité. Pas de poste à solliciter dans l’avenir ! Cela devrait rassurer. Je ne peux imposer quoi que ce soit. Nous aidons les deux parties à trouver elles-mêmes une solution ; c’est un processus volontaire. On ne peut obliger un agent ou un chef de service à entrer en médiation ».
La médiation progresse-t-elle au sein du Département ?
En 2023, nous avons géré 86 médiations dont 72 nouveaux dossiers. Pour rappel, nous avions été saisis de 57 demandes en 2022 et de 45 en 2021. Le nombre de nouveaux dossiers poursuit donc une progression régulière (plus 20% tous les ans). A ce jour, si la majorité des saisines (73%) ont été adressées en 2023 par les agents eux-mêmes, 14 cas nous ont été transmis par une organisation syndicale (contre 9 en 2022). Nos relations avec les organisations syndicales sont de plus en plus confiantes, ce dont je me réjouis.
Quelles sont les demandes les plus fréquemment présentées ?
Le socle de la médiation au MAEE est le règlement amiable des différends entre l’administration et les agents. Depuis le début de 2023, presque la moitié des demandes (42%) porte sur le déroulement de carrière ou les affectations, ce qui marque une croissance sensible dans ce secteur (33% en 2022). Des cas particuliers peuvent se présenter. Par exemple, certains agents souhaitant partir à l’étranger se voient contraints de rester en centrale. Le service de médiation a traité trois dossiers en 2023 concernant les conséquences de refus d’habilitation au secret défense. S’il n’appartient pas au service de médiation de questionner les recommandations de la direction de la sécurité diplomatique, le médiateur s’efforce d’explorer les marges de manœuvre parfois possibles, par exemple en identifiant la zone géographique litigieuse où l’agent ne pouvait être affecté en suggérant une nomination dans une autre zone.
Une dizaine des nouvelles médiations concernent des réclamations financières et indemnitaires. Nous avons ainsi bataillé en 2023, avec le soutien des organisations syndicales et des services du ministère, contre la CAF de Nantes qui refusait le versement des prestations familiales à plusieurs agents revenant de l’étranger, en se basant sur les revenus de l’année précédente incluant l’indemnité de résidence (IRE), revenus trop élevés pour jouir pleinement des prestations familiales. Nous avons dû remonter jusqu’à la direction de la Sécurité sociale qui nous a donné raison, obligeant la CAF à prendre en compte une nouvelle jurisprudence du Conseil d’Etat excluant l’IRE du calcul des revenus.
Pour régler un problème de retraite militaire pour un agent, nous avons trouvé une solution avec le médiateur de la gendarmerie. Les médiateurs internes des différents ministères et des grandes entreprises publiques ou privées constituent un club d’une cinquantaine de membres ce qui facilite ces coopérations entre médiateurs.
Nous assistons aussi à une demande grandissante de médiation pour aider au règlement des conflits interpersonnels. Le terme générique de souffrance au travail recouvre en fait des situations très différentes. Nous conseillons vivement aux intéressés de nous saisir le plus tôt possible. Dans ce cas, nous nous rapprochons toujours de la Cellule Tolérance zéro pour nous assurer qu’il ne s’agit pas d’un cas de harcèlement. Trouver une solution aux conflits entre collègues avec la DRH peut éviter qu’un agent doive quitter son poste dans le cadre d’une « mutation dans l‘intérêt du service ».
Quel est l’origine des saisines par catégories d’agents ?
En 2023, les saisines ont été relativement équilibrées entre les agents A (21%), les agents titulaires de catégorie C (28%), les agents B (27%, contre 17% en 2022) et les agents contractuels (19%, contre 7% en 2022), ce qui représente une augmentation sensible des demandes émanant des agents B et des agents contractuels.
Comment est perçue la médiation ? Etes-vous satisfait ?
L’enquête en ligne conduite en 2022 sur Diplonet montre que 80% des agents considèrent que la médiation est utile ; 74% des agents ayant répondu estiment que l’indépendance et la neutralité du médiateur sont respectées. Ce pourcentage passe à 94% pour les agents ayant suivi une médiation. C’est rassurant ! Même si la médiation ne répond pas toujours à la demande de l’agent, le processus leur donne le plus souvent une forme de satisfaction, ne serait-ce que d’être entendu et d’avoir pu explorer toutes les solutions possibles.
Quelle est l’issue des médiations en 2023 ?
31 des 71 médiations clôturées (44%) l’ont été à l’entière satisfaction des agents, 6 ont été abandonnées étant devenues sans objet, ou bien l’agent (ou l’administration) n’a pas souhaité poursuivre. 7 peuvent être considérées comme des échecs, l’agent ayant annoncé vouloir porter l’affaire en justice ou étant tenté de le faire. 20 sont des médiations « pédagogiques ». L’administration a maintenu sa position mais elle a été mieux explicitée à l’agent qui l’a comprise et acceptée à travers la médiation.
Nous souhaitons devenir le plus accessible possible et poursuivre notre travail de diffusion d’une culture du dialogue et de compréhension mutuelle au sein du Département. En travaillant plus étroitement avec la Cellule Tolérance Zéro et le Déontologue, le service de médiation entend contribuer à l’émergence d’un pôle d’accompagnement relationnel qui se voudrait une aide dans les mutations auxquelles le Département est confronté.
Propos recueillis par Francine Boidevaix
samedi 25 mai 2024