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Burn-out, résilience et soutien des MAE européens
Nicki Epinay-Foss
L’AFCA est membre de l’EUFASA1, la fédération des associations de conjoints d’agents des ministères des affaires étrangères au niveau européen. Dans l’avant-dernier numéro de ce magazine, nous vous avions adressé un compte- rendu de la conférence annuelle qui a réuni les délégués de 19 pays à Paris au printemps 2022. Aujourd’hui nous vous présentons le résumé2 d’une intéressante étude menée par le département de la Recherche de l’EUFASA, sur la façon dont nous et nos homologues européens avons fait face à la pandémie de Covid et sur le soutien ministériel dont nous avons pu bénéficier.
Profil des personnes sondées
A un peu plus d’un an d’intervalle, l’EUFASA a procédé à deux sondages anonymes auprès des conjoints. D’abord entre décembre 2020 et février 2021, puis entre mars 2022 et avril 2022. Le premier sondage a donné lieu à 421 réponses ; le second à 328. Les deux échantillons étaient similaires et représentatifs des conjoints des agents des ministères des affaires étrangères (MAE) européens. La majorité était constituée de femmes (75% en 2021 et 70 % en 2022). La plupart des participants avaient plus de 40 ans. Pratiquement la moitié d’entre eux (54% en 2021 et 50% en 2022) avait au moins un enfant de moins de 16 ans à leur domicile. Pour une part significative des conjoints ayant répondu, ils étaient nés dans un pays différent de celui de l’agent (35 % en 2021 et 39% en 2022). Plus de 40% avaient déménagé à l’étranger 5 à 9 fois pendant leur vie d’adulte et 28,6% avaient changé de pays pendant les 10 premiers mois de la pandémie.
Résultats
Une résilience en hausse
La résilience des conjoints de diplomates était basse lors de la première année de la pandémie, mais elle s’est améliorée au début de 2022. En effet, le taux moyen de résilience (mesuré par le test de Connor-Davidson) était de 69,2% au début de 2021 ; pour mémoire, dans les sociétés occidentales, ce taux était à la même époque de 80 % dans l’ensemble de la population. Mais le taux moyen de résilience est remonté à 74% au début de 2022, se rapprochant du taux considéré comme normal pour ce groupe.
Un taux élevé de burn-out personnel jusqu‘au début 2022
A la fin de 2020 et début de 2021, le taux moyen de burn-out personnel (mesuré au moyen du Copenhagen Burn-out Inventory) était de 41.5%, soit un peu plus élevé que chez les professions très stressantes (personnels paramédicaux et médicaux, gardiens de prison, …). Pour presque un tiers (31%), les réponses traduisaient un burn-out personnel modéré et pour 4,5%, elles mettaient en évidence des signes de burn-out personnel élevé. En mars 2022, le taux moyen a baissé de quelques points tout en restant élevé (38%).
Des causes de stress en évolution entre fin 2020 et début 2022
Dans le premier sondage, 71% des personnes interrogées ont répondu que la pandémie avait significativement impacté leur capacité à travailler et la façon dont elles passaient leur temps. Près de 70% ont mentionné que leurs tâches domestiques avaient augmenté. Dans le groupe avec enfants de moins de 16 ans, 55% ont ressenti la scolarisation à domicile comme un facteur de stress, d’autant plus élevé que le nombre d’enfants concernés était important.
La séparation d’avec les membres de la famille vivant habituellement sous le même toit a aussi été source significative de stress. 31% des réponses en font mention pour 2021. Près des deux tiers des répondants (63%) ont signalé que la source de stress la plus importante de la pandémie avait été la santé et la sécurité de leur famille et de leurs êtres chers vivant ailleurs.
L’accès à la vaccination, la fin des confinements et l’ouverture progressive des frontières ont considérablement réduit le stress en 2021. En mars-avril 2022, 85 % des sondés présentaient un schéma vaccinal complet. La situation en Ukraine était présentée comme bien plus stressante que celle de la Covid 19. Plus de 60% des conjoints se sentaient affectés par la guerre, alors même que seuls 15 % d’entre eux avaient de la famille ou des amis proches dans la région.
Un soutien et une communication des MAE toujours insuffisants en 2022
À la fin de 2020 et au début de 2021, 26% des participants n’avaient aucune idée de ce en quoi le MAE de leur pays pouvait leur venir en aide. Seuls 24 % estimaient recevoir suffisamment de soutien et d’information. La forme de soutien la mieux connue (41 % des réponses) consistait en une politique ministérielle claire de réduction des risques de contamination par la Covid 19.
Au printemps 2022, la majorité des participants, soit 68%, n’avaient pas eu de contact avec le MAE de leur pays ou ne savaient pas s’il existait une personne à qui s’adresser au MAE. Plus du cinquième des répondants (22 %) auraient souhaité une meilleure information/communication de la part du MAE. Et parmi ceux qui ont été aidés par le MAE à se faire vacciner, à peine plus de la moitié (56 %) ont trouvé cette expérience positive.
Le recours par les conjoints à diverses stratégies d’adaptation
Lors du deuxième sondage, au printemps 2022, il a été demandé aux personnes interrogées de faire part des moyens qui leur avaient permis de faire face au stress induit par la pandémie. Le moyen le plus fréquemment cité (52%) était le soutien de l’entourage : passer du temps en famille ou avec des amis. Venaient ensuite les formes de distraction positive : rester occupé grâce au travail, aux loisirs ou au bénévolat (19,2 %) ; l’exercice et le sport (17,9%) ; les sorties, notamment dans la nature (13,2%). Bien d’autres moyens ont été mentionnés, telles que la méditation (5,6%), rester bien informé (5,3%), garder une attitude positive (4,6%), voire promener son chien ou passer du temps avec les animaux (3,3%).
Ces stratégies sont cohérentes avec les recommandations des experts de la prise en charge du stress. Cependant, il est parfois difficile d’y recourir du fait des politiques de certains MAE (par exemple, séparation des familles pendant une crise, impossibilité d’obtenir un permis de travail dans certains pays, règles de logement pouvant empêcher d’opter pour un logement plus spacieux ou doté d’un espace extérieur).
L’utilité de certaines formes de soutien pour améliorer la résilience et réduire les risques de burnout
Ceux qui savaient qu’une évacuation serait possible en cas de besoin ont fait preuve d’une résilience significativement supérieure à celle des personnes qui pensaient que leur MAE ne les évacuerait pas. Les taux de burnout étaient plus bas chez ceux qui savaient pouvoir contacter un interlocuteur au sein de leur MAE et chez ceux dont le MAE avait des procédures claires de réduction des risques à l’étranger.
Il est intéressant de constater que les conseils et ateliers portant sur la gestion de stress proposés par les MAE étaient associés à des taux de burnout plus élevés. Ce résultat peut s’expliquer par la mise en place tardive de ces outils de soutien, alors que le niveau de stress était déjà élevé. Tandis que le contenu des ateliers sur la résilience est par nature plus préventif. En d’autres mots, ces types d’ateliers peuvent avoir leur utilité, mais doivent être proposés avant qu’une crise ne survienne. Enfin, comme on pouvait s’y attendre, les conjoints à forte résilience se sont avérés moins sujets au burnout.
Implications pour les MAE
Les MAE ne peuvent remplacer le soutien familial ou amical. Ils ne peuvent pas davantage proposer beaucoup de possibilités de distractions positives aux conjoints, du moins directement. En revanche, les résultats de l’étude suggèrent que les MAE peuvent contribuer à la santé mentale des conjoints et au renforcement de leur aptitude à faire face à une crise, par les moyens suivants :
• Communiquer directement aux conjoints des informations fiables en temps opportun, par l’intermédiaire d’une délégation aux familles ou d’une personne chargée du contact avec les conjoints.
• S’engager à évacuer les agents et leur famille si nécessaire et le faire savoir. En effet, avoir l’assurance de bénéficier d’une telle mesure suffit à faire augmenter la résilience. Le rapport « risques / bénéfices » doit être soigneusement évalué avant de séparer les membres de familles qui vivent ensemble. Certes, il est essentiel d’assurer la sécurité des agents et de leur famille, mais les décideurs doivent avoir conscience de l’importance du soutien de l’entourage en cas de crise. Ils doivent aussi tenir compte du fait que la séparation peut impacter négativement la santé mentale des agents et de leur famille.
• Offrir aux conjoints la possibilité de poursuivre leur propre carrière. Exercer un emploi aide à gérer le stress. De surcroît, la perspective d’en exercer un est un facteur de motivation au moment de l’expatriation, permet la stabilité financière du couple et fidélise les agents qui ont vocation à servir à l’étranger.
• Donner accès, directement ou indirectement, à un logement adapté aux besoins de la famille, offrant par exemple assez d’espace pour le télétravail et la possibilité de prendre l’air.
• Assurer aux agents et à leur famille l’accès à un soutien psychologique adapté.
Groupe de Recherche EUFASA, décembre 2022
1 European Union Foreign Affairs Spouses and Partners Association
2 Traduit de l’anglais par Pascale Cairet et Jean-François Barsacq. Titre original : « Foreign service spouses during the COVID-19 pandemic : Results from two studies on burnout, resilience, and MFA support ».
Le rapport complet de cette étude, est disponible sur notre site par ce lien :
https://www.afca-mae.com/Burnout-and-resilience-during-the-pandemic.html
mercredi 27 septembre 2023