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Association française des conjoints d’agents du ministère des Affaires étrangères

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La SAJI : défendre le Département et dire le droit

Entretien avec J.F. Casabonne

SAJI, sous ce sigle se cache la Sous-direction des affaires juridiques internes, comptant une dizaine d’agents (un autre va être recruté), sous la houlette du diplomate juriste Jean-François Casa-bonne Masonnave qui me reçoit dans son bureau rue de la Convention. Son objet principal est de défendre le Département devant les juridictions nationales et de lui apporter l’appui juridique nécessaire à l’exacte compréhension et à la bonne application des nouvelles obligations pesant sur l’administration.

« Nous ne parlons pas directement aux agents, ni aux conjoints. Nous ne sommes pas une instance de recours contre les services de gestion, mais nous nous en occupons à travers les cas juridiques qui peuvent les concerner, nous explique M. Casabonne. Prenons le cas des agents séparés géographiquement avec enfants à charge. L’un d’entre eux peut avoir la responsabilité des enfants alors qu’un jugement les a confiés à l’autre. Quelquefois, la mère de l’enfant, habitant en France peut préférer qu’ils résident avec le père car il y a un bon lycée sur place. Qui va recevoir les majorations familiales ? Nous donnons un avis cas par cas ».

La SAJI travaille à 50% avec la DRH, les autres activités sont en relation avec les autres services, dont au premier plan la DGM. Les cas traités sont extrêmement divers.

Ce service s’occupe également des recours des familles de Français qui ont rejoint Daech, un dossier complexe qui nécessite le travail en commun des différentes équipes juridiques concernées (FAE, DJ, SAJI). « Certaines familles font des recours en vue du rapatriement. Mais nous plaidons l’incompétence du juge administratif car le gouvernement français n’a pas le contrôle sur le terrain ». Monsieur Casabonne ne nous en dira pas plus !

Harcèlements déclarés en hausse
Les signalements pour harcèlement sexuel sont en hausse, dans le contexte général que l’on connait mais aussi la stratégie ministérielle mise en place l’an dernier. Il y en a eu 7 en 2018. « Il faut faire attention au harcèlement dans le travail par des collègues ou par la hiérarchie. C’est au minimum un signal qu’il peut y avoir un problème de gestion à améliorer. Mais cela peut hélas être beaucoup plus grave. Nous travaillons aussi avec le référent déontologie Jean-François Blarel, ou encore avec les psychologues du ministère. Quant au harcèlement sexuel, autrefois, trop souvent, on ne disait rien. Il concerne surtout les stagiaires, les volontaires internationaux, très rarement les agents titulaires du ministère. Nous saisissons le Procureur de la République. Deux ambassadeurs ont été condamnés au pénal pour harcèlement dans la décennie passée ».

Huit sanctions disciplinaires ont été prononcées en 2018. Les irrégularités dans le traitement des demandes de visas ont constitué la majeure partie de ces sanctions.
La sous-direction est en liaison avec la DFAE. Ils ont leurs juristes, mais les problèmes de rapatriement peuvent être extrêmement compliqués.

Responsabilité à la française
La SAJI veille aussi sur la sécurité et la responsabilité des personnes. « En poste, le système français laisse plus de liberté aux individus que le concept américain du "compound" où tout le monde est rassemblé. Mais cela signifie plus de responsabilité individuelle. Nous sommes en contact avec nos collègues de la sécurité diplomatique pour les conseiller sur le plan juridique et qualifier en droit les situations. Quelquefois, la meilleure des sécurités pour une famille est de rentrer en France, toute protection pouvant s’avérer aléatoire. Un agent cambriolé à l’étranger, s’était retourné contre le Département. Or l’ambassade lui avait déconseillé de s’installer dans ce quartier et l’officier de sécurité lui avait recommandé de mettre des barreaux aux fenêtres. Il a donc été débouté. Autre cas, un Français blessé au Népal avait estimé que l’ambassade ne l’avait pas recueilli au moment du tremblement de terre. Nous avons prouvé que c’était impossible et que l’ambassade avait bien fait son maximum, le bâtiment menaçant de s’effondrer ».

Explosion des recours
Selon le rapport que vient de publier le service des affaires juridiques internes, 2018 a vu l’explosion des nouveaux recours contentieux, +40%. C’est le chiffre le plus élevé depuis le début des années 2010. Elle doit être mise en parallèle avec l’amélioration de la performance du SAJI, car la proportion de décisions favorables au ministère passe des deux tiers à 80%. Plus encore, le niveau des condamnations pécuniaires a été divisé par deux, 44000 euros, pour des prétentions initiales qui dépassaient les 11,5 M euros.
Une autre explication est donnée, celle de la faiblesse juridique croissante des recours engagés, elle va de pair avec la judiciarisation croissante de la société. Les agents ou les usagers revendiquent de plus en plus devant le juge administratif. Or certains recours, juge la SAJI, comme par exemple, ceux relatifs à l’affectation ou à la mutation d’un agent qui s’y oppose, ignorent toute notion d’intérêt général pour ne considérer que la situation individuelle de l’agent. C’est pourtant bien l’intérêt général, qui, selon la SAJI, justifie en premier lieu l’affectation ou la mutation d’un agent public.
De même, poursuit le rapport, certains recours en responsabilité laissent circonspect quant à leur sérieux, tel celui intenté par un ressortissant français considérant que ses ancêtres ont été spoliés par l’intervention du gouvernement français, dans la succession d’une principauté voisine, il y a près d’un siècle !

Autre sujet, la prévention des risques déontologiques. Elle relève à titre principal du référent ministériel du ministère, M. Jean-François Blarel, auquel la SAJI, consultée 17 fois en 2018, peut apporter un éclairage juridique.

De Gauguinà AlQaïda
Recrutement des contractuels de droit public en service à l’étranger, contentieux impliquant sept œuvres de Renoir, Cézanne et Gauguin revendiquées par la succession du marchand d’art Ambroise Vollard et recueillies par l’Etat à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, litige avec un ancien otage d’Al Qaïda au Maghreb islamique, temps de travail dans les postes diplomatiques et consulaires... la liste est longue et diverse des sujets traités par la SA-JI. La SAJI doit aussi et souvent faire face à des affaires douloureuses : des gens en souffrance médicale qui traversent des épreuves. Ainsi cet agent ayant touché un trop perçu à rembourser, alors qu’il est atteint d’un cancer. « Nous essayons de favoriser une solution négociée et d’être des juristes humains mais des juristes toujours fiables », conclut M. Casabonne.

Propos recueillis par Francine Boidevaix
Juin 2019

jeudi 26 janvier 2023

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