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Les années 80 au Musée des Arts décoratifs
Juliette Dharmadhikari
Orchestrée autour de la nef centrale du Musée des Arts décoratifs (MAD), la muséographie, qui adopte les couleurs et les lignes de la bibliothèque Carlton d’Ettore Sottsass (1981), nous a replongés dans le premier volet des années Mitterand, tournant politique, économique et social.
Alors que la célèbre affiche électorale de 1981, mise en œuvre par Jacques Séguéla (RSCG), introduit l’exposition, c’est un documentaire sur les célébrations du bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme, mises en scène par Jean-Paul Goude (1989), qui l’achève. La multiplicité des nationalités des intervenants, comme Jessye Norman chantant la Marseillaise, traduit la volonté de porter un message universel. Tout proche, un grand tirage photo de Raymond Depardon, Une fissure dans le mur de Berlin devient un symbole de nouvelle liberté entre l’est et l’ouest (1989) fait, particulièrement aujourd’hui, écho à des idéaux blessés.
Dans cet intervalle chronologique (1981-1989), notre guide, virtuose et précise, a commenté une douzaine de sections thématiques, toutes très riches. Y sont retracés le nouvel engagement de l’Etat dans le secteur culturel (grands travaux, politique d’aide à la création promue par Jack Lang), mais aussi la libéralisation des médias avec la naissance de chaînes télé commerciales (Canal Plus...), dont les budgets publicitaires explosent. La « salle télé », consacrée aux clips en couleurs de Sarah Moon (Cacharel, Babyvéa), Etienne Chatillez (Eram), Jean-Paul Goude (« ticket chic, ticket choc » de la RATP), pour n’en citer que quelques-uns, est particulièrement appréciée des visiteurs et permet de retrouver le sourire après l’évocation des campagnes d’Act’Up contre le sida.
A l’opposé du marketing commercial des agences qui utilisent de plus en plus la photographie et mettent en œuvre des campagnes de plus en plus spectaculaires, des graphistes revendiquent l’affiche sociale comme lieu d’expression privilégiée.
Ces tendances opposées s’expriment aussi dans l’effervescence du design exposé par des galeries spécialisées (Neotù, Nestor Perkal...). Qu’il concerne la conception du corps à travers le vêtement ou celle de notre rapport aux meubles ou aux objets, le design s’oriente tantôt vers le primitivisme, tantôt vers la haute technologie, vers la citation maniériste ou vers la rigueur et l’ascétisme. Les petites séries limitées de Garouste et Bonetti côtoient les productions industrielles à grande échelle qui se veulent populaires (Philippe Starck étant l’exemple le plus emblématique). De la même manière, la haute couture, avec des personnalités fortes comme celles de Jean-Paul Gaultier, Claude Montana ou Thierry Mugler, se frotte au prêt-à-porter en plein essor (Naf-Naf, Kookaï...) et déporte les podiums dans des lieux improbables (défilé Yves Saint Laurent à la fête de l’Humanité en 1988). Les créateurs japonais (Kenzo, Issey Miyake...) s’implantent eux aussi en France, avec leurs imprimés colorés ou leurs plissés noirs.
De nouveaux lieux à la mode marquent le paysage et les nuits parisiennes (Le Palace, les Bains Douches) ; une société de l’image et du son s’y divertit. Le dimanche, une partie des Français font de la gym en collants fluos avec des animatrices survitaminées ; la semaine, des épaulettes structurent les silhouettes et les vestes en jean sont de sortie. Toute une époque !
Juliette Dharmadhikari
photos : © Zoé Meyer
lundi 15 mai 2023