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Dis-moi comment tu marches

Isabelle Roussel Stéphan

La découverte d’une chaussure portée par Marie-Antoinette en 1792 est à l’origine de l’exposition ‘’ Marche et démarche, une histoire de la chaussure’’, au Musée des Arts décoratifs ; les chercheurs, étonnés par la très petite taille de la chaussure, ont cherché à comprendre comment une femme de 37 ans pouvait y glisser son pied.

Partout dans le monde, les souliers des femmes, des hommes et des enfants ont une même vocation : protéger les pieds des menaces du sol et du climat. Il n’en demeure pas moins que dans bien des cas, certaines chaussures ne sont pas faites pour marcher mais plutôt pour révéler une distinction sociale.
La chaussure est un accessoire qui nous habille depuis notre plus tendre enfance et qui détermine notre démarche.

Evolution dans le temps
Des fouilles près de Pékin permettent de dater les premières fabrications de chaussures à 40 000 ans. Ötzi, homme des glaces de 5000 ans, portait des chaussures fourrées ; les Egyptiens portaient des sandales ; au Moyen-Age, les ‘’Poulaines’’ sont pointues et on commence à coudre les chaussures ; du XVe au XVIIIe siècles, les bouts des chaussures sont plus larges et pratiques, les talons apparaissent et s’avèrent pragmatiques puisqu’il suffisait de les changer quand ils étaient usés, les souliers sont adaptés aux sols irréguliers et boueux ; les femmes de la haute société française portent des ‘’chopines’’ d’inspiration vénitienne pour ne pas salir le bas des robes ; il y a eu la mode des petits pieds venue de Chine ; l’industrialisation, et avec elle l’invention de la machine à coudre et les innovations techniques, ont permis la production en série de chaussures à partir de 1830.
A partir des années 1950, la chaussure prend de la place dans les penderies.

Des astuces pour marcher dans la boue
Au XVIIIe siècle, les personnes de haute extraction marchaient peu dans les rues, aussi, quand celles-ci étaient boueuses, elles dotaient leurs souliers de patins ou de soques. La plupart des patins en cuir datés de cette époque montrent qu’ils ont été peu utilisés, sur de courtes distances, peut-être seulement entre la porte et le marchepied du carrosse !

Dotés d’une haute semelle de bois dur ou montés au-dessus d’un anneau en métal, ils rendent la marche difficile, mais l’important est de ne pas avoir les souliers crottés comme ceux qui vont à pied !

Fétichisme et virilité
La chaussure a très tôt été un objet de fétichisme, à porter par les femmes. Petites chaussures pour petits pieds, bottes lacées tels des corsets, cambrure improbable… autant de particularités pour faire frissonner les clients des maisons closes ou ailleurs.
Les hommes de leur côté ont aimé montré leur virilité en exagérant quelque-peu le pointu de leurs souliers : plus la corne est longue, plus grande est la virilité. Parait-il...

Des chaussures pour ne pas marcher
L’étude menée par les chercheurs a montré que les femmes de l’aristocratie au XVIII° siècle marchaient très peu, il en sera de même pour les femmes de la haute bourgeoisie au XIX° siècle.
Les souliers étaient fragiles et permettaient tout juste de faire quelques pas dans le jardin, de déambuler d’une pièce à une autre. La femme voyait ainsi sa mobilité contrôlée, quand elle n’était pas contrainte à l’immobilité !

Les chopines
Ce sont des chaussure du XVème siècle dont le très haut talon en bloc peut atteindre 70 cm. D’abord créées pour protéger les habits de la saleté des courtisanes de Venise, elles sont devenues à la mode et ont été largement portées par les femmes nobles en Italie et en Espagne.

Ainsi chaussées les dames ne pouvaient pas bouger, pas danser, ce qui plaisait fort aux hommes vénitiens. Pour se déplacer, elles étaient tenues par deux ou trois domestiques, haut signe de distinction sociale.

Le culte du petit pied
Instaurée en Chine à partir du Xe siècle, la coutume des petits pieds des femmes dite "Lotus d’or", a duré plus de 1.000 ans. Considéré comme une partie particulièrement érogène du corps, il était symbole de raffinement, de féminité et de plaisir charnel. Sa taille importait plus que la beauté du visage et pouvait déterminer le choix d’un mari.
On commençait à bander les pieds des petites filles à 5 ou 6 ans ; on repliait leurs orteils, on allait même jusqu’à casser les os du cou du pied pour obtenir à l’âge adulte un pied de 7,5 et 10 centimètres de long pouvant alors être qualifié de ‘’Lotus’’.
La mode du petit pied a fait son apparition en Europe au XVIIe. Les pieds étaient bandés mais pas dans les mêmes proportions qu’en Chine. Il n’empêche que Marie-Antoinette a chaussé des souliers de 21 cm de long et 5 cm de large !
Le culte du pied fin a eu ses lettres de noblesse chez les dames et les hommes de l’aristocratie au XVIIIe siècle, puis de la haute bourgeoisie au XIXe siècle.

A chaque pied sa chaussure
Jusqu’en 1830, la symétrie prévaut, il n’y a pas de différence entre le pied droit et le pied gauche ; le pied s’adaptait à la chaussure au fur et à mesure qu’on la portait.

C’est à Alexis Godillot, chausseur français, que l’on doit les chaussures dissymétriques avec de surcroît, une courbure de la semelle intérieure au niveau de la voute plantaire. Ce progrès a été réalisé grâce à la confection séparée de la semelle et de la feuille de cuir découpée pour le dessus de la chaussure.
Aujourd’hui, les espadrilles et les charentaises restent symétriques…

Des chaussures pour tous
Avec la révolution industrielle, les chaussures sont de plus en plus accessibles, il est de plus en plus rare de n’avoir qu’une paire de souliers. L’accès aux chaussures se démocratise et elles deviennent tout à la fois objets utilitaires et superflus.

A chaque chaussure une démarche
La démarche n’est pas la même selon les chaussures portées, la chaussure définit l’allure, donne un style.
Les souliers étroits imposent des petits pas, les talons haut perchés aussi et font marcher sur la pointe des pieds, les plates-formes donnent une allure de balancier , les claquettes et les sandales plates invitent à traîner les pieds, les semelles en bois entraînent une démarche saccadée et bruyante là où les souliers de soie et de satin donnent l’impression que les porteurs frôlaient tout juste le sol

Aujourd’hui, chacun porte ce qu’il lui plait ; il y a certes toujours des codes, la mode n’est pas en reste et l’on s’aperçoit qu’il y en a vraiment pour tous les goûts ! Ainsi la démarche est souple, lente, claudicante, pressée, penchée, bondissante, changeante selon la forme des chaussures.

Isabelle Roussel Stéphan


Photo du logo de l’article
© MAD, Paris / photo : Hughes Dubois
Paris, Musée des Arts Décoratifs
Chaussure : Benoit Méléard, chaussure « Hommage à Calder », collection « O », 1999

Photos du portfolio  : © Isabelle Roussel Stéphan

Portfolio


  • Poulaines du Moyen-Age, XVè siècle

  • Soques pour marcher dans l’eau, la boue

  • Chaussures dans des soques pour marcher dans l’eau, la boue

  • Soques pour marcher dans l’eau, la boue

  • Chopine vénitienne

  • Chopine d’environ 70 cm

  • Chaussures comme objets de fantasmes

    Lors d’un défilé, Louboutin a emprunté du vernis à ongle rouge à une mannequin et a coloré la semelle d’une chaussure pour un meilleur effet visuel pendant le défilé. La fameuse semelle rouge Louboutin était née !


  • Bottes comme objets de fantasmes

  • Soulier de Marie-Antoinette, 1792

    Ce soulier aurait été trouvé et pris dans la chambre de Marie-Antoinette au palais des Tuileries lors des événements du 10 août 1792, par un fourrier de la garde nationale parisienne. Sa petitesse montre que la reine a succombé à la mode du petit pied, alos vu comme un idéal de beauté.


  • Souliers de Charles X, 1825

    Jolis souliers peu faits pour marcher. Tout juste d’une pièce à une autre...


  • Mules d’Alfred de Musset

  • Bottine pour femme, Angleterre, vers 1850

  • Culte du petit pied en Chine

  • Bottine chinoise et moulage d’un pied

  • Plâtre montrant la déformation d’un pied après bandage et cassure

  • Difficile de marcher, impossible de courir !

  • Des cornes viriles et sociales

    Plus la corne est haute et longue, plus grande est la virilité mais aussi plus haute est la position sociale.
    A gauche, chaussure dite Gathela, XIX’, Inde. A sa droite, sabot de la vallée de Bethmale, XVIIIè, Ariège-France.


  • Layette de 1923

    Layette composée d’un ensemble de chaussures offertes à la princesse Mary, fille de George V pour la naissance de son premier enfant. Le présent fut retourné quand il s’avéra qu’un prince, George, vint au monde.


  • Chaussures d’enfants

    France, XIXè siècle


  • Chaussures d’enfants

    Baskets, XXè
    Bottes et chaussons à tête de tigre, début du XXè, Chine
    Mocassins à chevillières, XIXè, Arizona, USA (culture Hopi)


  • Bottine de Charlot, XXè siècle

mercredi 16 février 2022

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