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Mots français provenant du grec
Zoé Meyer
Ma langue maternelle est le grec. Quelle ne fut pas ma surprise (agréable) lorsque, adolescente, commençant à apprendre le français, j’ai découvert tous ces mots que je connaissais déjà !
Comment ça ? Mais parce qu’une large partie du vocabulaire français provient du grec : soit directement, avec le mouvement humaniste de la Renaissance ou le besoin de néologismes techniques (tenez, déjà deux mots grecs !) aux XVIIIe et XIXe siècles ; soit indirectement, bien avant, par l’intermédiaire du latin, qui lui aussi a beaucoup emprunté à la langue hellénique. Certes, le latin était la langue des Romains, mais les nobles parlaient le plus souvent le grec, la langue des érudits et des professeurs qui, après la conquête de la Grèce par l’Empire romain, avaient été appelés à Rome.
En conséquence, la langue grecque a fortement influencé la formation de la langue française, contribuant largement à son lexique. C’est un florilège, non exhaustif bien sûr, que je partage avec vous dans cette rubrique. Et vous verrez que vous parlez le grec plus que vous ne l’avez jamais imaginé !
Alors, par où commencer ? Mais, par notre alphabet bien sûr ! Alphabet qui est originaire de Phénicie, mais qui a été mis en forme tel que nous le connaissons par les Grecs. Notre A vient de la lettre grecque Alpha, notre B de Bêta, etc. Et on utilise directement plusieurs lettres grecques en mathématiques et en médecine comme : gamma, delta, epsilon, lambda, omicron, sigma, oméga… Plusieurs d’entre elles ont récemment donné leur nom aux variants du Coronavirus (Cf. article sur le mot Variant dans la magazine n° 107).
Venons-en à notre lexique : innombrables sont les mots qui commencent par des préfixes grecs :
Néo (nouveau) / paléo (ancien), d’où : néolithique / paléolithique (lithos = pierre)
Hypo (sous) / hyper (sur), comme dans hypocrite, hypochondriaque, hypermétrope
Pro (pour, en avant) / anti (contre) comme dans prophète et antidote
Poly (plusieurs) / mono (un seul), comme dans polyglotte, polygone, monothéiste (théos = dieu)
Epi (sur), comme dans épithète, épicentre, épidémie
Télé (loin, éloigné), d’où téléphone (voix de loin), téléphérique (qui porte loin)
Méta (après), comme dans métabolisme, métempsychose
Auto (soi-même), comme dans automobile, autochtone, autocéphale
Dia (à travers), comme dans diagonale (à travers des angles), dialogue (logos = parole)
Amphi (de deux cotés) dans amphithéâtre, amphibie (bios = vie)
Ortho (droit, exact), avec orthophonie, orthogonal, orthodoxie
Philo (ami, qui aime) avec philologue (ami de l’étude), philanthrope (anthropos = homme).
De multiples autres racines viennent alimenter les compositions nominales, telles que :
Métron (mesure), comme dans thermomètre (thermos = chaud)
Phonê (la voix), comme dans gramophone, phonographe, homophone
Dromos (la course), qui donne : vélodrome, hippodrome (hippos = cheval).
Richesse des apports
Si nous regardons les domaines dans lesquels le grec a apporté sa pierre à la langue française, on est frappé par la richesse des apports. En voici que quelques exemples :
- La médecine
La cardiologie (cardia = cœur), l’anesthésiologie (an-aisthésis = in-sensibilité),
l’oncologie (oncos = tumeur,) la gastroentérologie (gastro = ventre + entera = intestins), la pharmacologie (pharmaco = médicament), la gynécologie (gynaika = femme), l’ophtalmologie (ophtalmos = œil), la psychiatrie (psychê = âme + iatros = médecin), la pédiatrie (païdi = enfant) et à l’inverse, gériatrie (géros = vieux).
Mais, hélas, bien des maladies tirent aussi leur nom du grec : l’arthrose (arthrôsis = articulation), la nausée (nautia = mal de mer), l’ostéoporose (os troué), les maladies nosocomiales (nosocomeion = hôpital)… La liste est longue !
- Les sciences
La géologie (gê = terre) l’archéologie (archaios = ancien), l’astrologie (astron = étoile), la géométrie (la mesure de la terre), la trigonométrie (trigonon = triangle).
- Les lettres
La poésie (poiein = créer), la tragédie (le chant du bouc = procession en l’honneur du dieu Dionysos), la comédie (kômos = fête en l’honneur du même dieu), la rhétorique (l’art du rhéteur), l’histoire (historia = récit).
- La politique
La cité grecque (polis) a donné les mots politique, police. Le peuple (dêmos) est à l’origine de la démocratie (dêmos + kratos = Etat ou pouvoir). Mais attention à ne pas sombrer dans la démagogie (ago = conduire le peuple, c’est-à-dire aussi le manipuler). Il est préférable pour le bien de la démocratie et de la vie en société de faire preuve de déontologie (déon = ce qu’il convient de faire).
A titre de modeste exemple, les quelques phrases suivantes vous montreront sur un mode humoristique que notre langue fourmille de mots et de racines grecques : « Vous vous sentez un néophyte en géographie ? Souvenez-vous donc de notre vieux pédagogue, professeur de mathématiques et géologue à ses heures, qu’un collègue, à coup sûr hypochondriaque, avait osé un jour traiter de tardigrade ! Par sympathie pour le vieil homme, devenu malheureusement cacochyme avec l’âge, l’un de mes amis, qui était professeur de philosophie, était vigoureusement intervenu, n’hésitant pas à traiter son collègue de triste géronte, et même de sycophante ! »
Alors chers lecteurs, qu’en dites-vous ? Tous ces exemples, montrent que la langue française, soumise à de multiples influences linguistiques, s’est particulièrement enrichie d’emprunts au grec, une langue multiséculaire, parlée depuis le XVIIe siècle avant J.-C. et en constante évolution pour aboutir au grec moderne d’aujourd’hui. Une langue qui a su traverser l’Histoire tout en conservant son authenticité et en se montrant généreuse, au point de prêter son vocabulaire et ses concepts à d’autres peuples !
Zoé Meyer
lundi 15 mai 2023