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Etre Secrétaire général du Quai d’Orsay

Francine Boidevaix

Motiver et faire confiance

François Delattre me reçoit dans le prestigieux bureau du Secrétaire général du Quai d’Orsay, au 3e étage. Il donne d’un côté sur la Seine et, de l’autre, on aperçoit les Invalides. La décoration a été pensée par un illustre devancier, Alexis Léger, en poésie Saint John Perse : boiseries à arabesques et chimères, copies de celles commandées en 1766 par un colonel de la Garde suisse, aux murs, deux grandes cartes du monde inspirées d’œuvres anciennes. La pile de dossiers sur le bureau Empire nous renvoie à l’actualité tout comme la table de verre où se tiennent les réunions.

Grand, brun, mince, jeune, il a 57 ans, un âge précoce pour ce poste, François Delattre ne ressemble pas à son lointain prédécesseur aux moustaches grises, Jules Cambon, le premier à avoir exercé cette haute fonction de 1915 à 1920. Les attributions du Secrétaire général sont uniques au sein de l’administration française, les SG des autres ministères étant principalement chargés de la gestion. Aux côtés et au service du Ministre, il a autorité sur l’ensemble des services du Quai d’Orsay et sa responsabilité couvre ainsi la totalité des dossiers de la politique étrangère française comme ceux touchant au pilotage du Quai d’Orsay et de notre réseau. Ses interlocuteurs étrangers, avec qui les contacts sont très nombreux, sont les vice-ministres et Secrétaires d’Etat selon les cas.

« La diplomatie est ma vocation de toujours, dit-il avec passion. Elle s’est déclarée depuis mon enfance à Saint-Marcellin dans l’Isère. Petit, je faisais tourner des mappemondes, puis, arrivé à Paris, je me disais : « Que se passe-t-il à cet endroit ? ». Puis plus tard : « Qu’est-ce qu’un représentant de la France peut y faire ? » J’ai eu la chance de vivre mon premier poste dans une grande ambassade, à Bonn de 1989 à 1991, les années de la chute du Mur et de la réunification. »

Tour de contrôle
« Le SG joue un rôle de tour de contrôle, explique-il. Je réunis tous les matins, pendant 30 à 45 minutes en moyenne, l’ensemble des directeurs du ministère pour faire le point sur l’agenda international, prendre l’avis des uns et des autres et faire en sorte que chacun(e) travaille bien dans la même direction. C’est un travail d’équipe, l’objectif est que chacun(e) en sorte avec les idées claires et conscient(e) des priorités qui nous rassemblent. Mon but, c’est que chacun(e) joue collectif. Je relaie aussi les orientations du Ministre et de son Cabinet. Depuis la phase aigue de la pandémie, je tiens la réunion chaque matin en audio conférence, ce qui ne nuit pas à son efficacité et s’avère plus essentiel encore, dans cette période de pandémie, pour maintenir les équipes soudées et motivées. Pour nous résumer, ajoute-il, ma vie se déroule entre le Ministre et son Cabinet d’un côté, et les services du ministère de l’autre, pour contribuer à la fluidité de l’ensemble. Pour que cela fonctionne bien, il faut être parfaitement en phase. »

Arbitre
Prenant une comparaison sportive, François Delattre ne cache pas qu’il joue souvent le rôle d’arbitre : «  Dix fois par jour, je suis saisi par des services de la maison pour des arbitrages sur des sujets de fond ou d’organisation. Mon objectif est d’essayer d’abord qu’ils se mettent d’accord entre eux, et si ce n’est pas le cas j’arbitre en conscience, sous le contrôle du Cabinet. Je suis aidé en cela par la petite mais très efficace équipe du secrétariat général  ».

COVID
Le Quai d’Orsay a réagi rapidement à la crise du Covid. «  Les agents du Quai d’Orsay, tous statuts, corps et fonctions confondus, en France comme dans l’ensemble de notre réseau, ont répondu à la crise sanitaire par une mobilisation exemplaire et unanimement saluée comme telle, à commencer par le Président de la République lui-même. Nous avons par exemple fortement développé le numérique pour encourager le télétravail, en équipant au maximum nos agents des outils nécessaires. Nous avons donné aux postes des directives laissant à chacun la marge d’appréciation indispensable en fonction du contexte local, qu’il s’agisse de l’état de la pandémie ou de celui du système local de soins. Il y a peu de points communs entre la situation en Chine et celle qui prévaut au Brésil, par exemple, où c’est très tendu ».

Ne jamais se décourager
En cas de crise diplomatique, des réunions supplémentaires avec les principaux acteurs du ministère se tiennent dans son bureau ou par vidéo. « Compte tenu de l’état du monde, la demande adressée au Quai d’Orsay par nos autorités politiques, et tout simplement par l’accumulation sans précédent des défis internationaux, n’a jamais été aussi forte. Dans ce contexte, et à l’opposé des pontifes que l’on entend ici ou là, le rôle du diplomate n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Le diplomate doit être une forme de « machine à positiver », aussi créatif que lucide, parfaitement informé du dessous des cartes, refusant la fatalité, armé de la solide boussole de nos intérêts et de nos valeurs, ne se décourageant jamais et recherchant inlassablement, dans les situations les plus inextricables, le chemin d’un accord et d’une solution. »

Et les finances ?
Parmi ses responsabilités, le SG participe à l’élaboration du Budget des Affaires étrangères. Après des années d’érosion, François Delattre fait valoir les progrès majeurs obtenus grâce à la combativité du Ministre et des équipes : « Pour la première fois depuis longtemps, l’hémorragie du personnel a été arrêtée, alors que nous perdions des dizaines voire des centaines de postes chaque année. Notre budget a été revu à la hausse ». Il se réjouit aussi que le mouvement diplomatique de l’été dernier ait été maintenu. « Cela a été un gros effort de mise en œuvre. Plusieurs pays y ont renoncé. Mais nous avons jugé avec le Ministre que c’était important pour la vie et le moral des agents ».

Parmi les sujets qui lui tiennent particulièrement à cœur : l’égalité femmes-hommes, dans le cadre volontariste tracé par le Ministre, mais aussi les conditions de travail des agents, l’attention à leurs conjoints et à leurs familles, et un attachement marqué à une meilleure intégration des personnes handicapées.

En fait, sa feuille de route est claire : « Mes mots clefs sont : motiver les équipes, promouvoir le jeu collectif et faire confiance. La qualité des agents du Quai d’Orsay est tout à fait exceptionnelle. Nos collègues ont d’abord besoin de respect, de reconnaissance et des moyens nécessaires à leur mission. Leur engagement est à donner foi dans le service public. »

Francine Boidevaix

jeudi 15 avril 2021

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